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Conseillé par Hugues V. (Libraire)10 novembre 2017
Plongez dans un monde désespéré, en quête d'humanité !
Difficile de rebondir après un succès retentissant. L’auteur est attendu au tournant, les expectatives sont plus hautes que jamais. Le risque de décevoir est encore plus grand lorsque la nouvelle œuvre traite un sujet, un univers différent de la précédente (coucou Silver Spoon injustement boudé par certains fans de FMA juste parce que “ce n’est pas de la fantasy alors c’est nul”). Pourtant, après A Silent Voice, Yoshitoki Oima décide de quitter le registre de la tranche de vie pour partir dans un monde fantastique sombre, parsemé de réflexions métaphysiques. Et c’est une complète réussite sur son premier volume.
Quelqu’un, un jour, a déposé une sphère sur Terre. Cette sphère, dotée du talent de mimétisme, va rentrer en contact avec une pierre et la copier, puis croiser un loup mortellement blessé. De pierre, elle va se transformer en loup, et partir découvrir le monde, sans aucune notion de survie, comme la soif, la faim ou la douleur. Sa condition lui permet cependant d’être immortelle, ressuscitant après chaque décès. Sa route va croiser celle d’un jeune garçon, dernier survivant d’un village perdu dans un désert de neige. Une amitié maladroite va se développer entre les deux êtres, mêlée d’espoir et d’incompréhension.
Je m’arrête déjà là pour le résumé, les dix premières pages ne doivent pas être dépassées afin d’éviter les spoils. Impossible d’en dire plus sans gâcher les émotions qui découlent de la lecture. Et des émotions, il y en a à foison, nous envahissant une fois plongé dans To Your Eternity ! Joie, frustration, tristesse, colère, désespoir... C’est parfois même trop pour enchaîner un chapitre à l’autre, une pause s’imposant pour se remettre d’un tel tourbillon de sentiments.
Oima met en exergue un personnage central immortel mais creux, au ressenti incomplet, incapable de s’en sortir seul, et ses différentes rencontres dont la sensibilité exacerbée s’oppose à leur fragilité dans ce monde impitoyable. Le dessin délicat, contrastant avec la dureté de l’univers, le découpage ambitieux (parfois trop même, quelques erreurs sont repérables par moment, mais rien d’affreux) sur des angles de vue originaux, tout cela rehausse encore l’impression de danger, de perte de repères et d’immensité inconnue entourant les protagonistes.Ce n’est peut-être que le premier tome, et il est toujours difficile de juger un titre avec aussi peu, mais c’est déjà un coup de maître de la part de Oima, ne serait-ce que par le premier chapitre, absolument magistral. Beau, profond, traumatisant, To Your Eternity démarre fort, et semble parti pour mériter autant d’éloges que A Silent Voice, dans un registre bien différent.